Je sais pas si vous êtes comme moi, mais
j’ai une fâcheuse tendance à changer d’appart à tous les deux ans en moyenne.
Quand on considère que j’ai 28 ans et que j’ai déjà six déménagements à mon
actif, on pourrait dire que je suis une sorte d’experte en la matière. J’ai
partagé mon espace avec deux chums et presque deux colocs – c’est-à-dire que le
chum de ma coloc était toujours là mais il ne payait pas les bills (sans
offense, on s’aime toujours!) – mais j’ai aussi vécu seule pendant quelques
années. Mes expériences de déménagement ont donc toutes été très différentes
parce que j’ai été aidée par des parents, des chums, des beaux parents, des
amis, des amis de chums et des chums d’amies et bien sur, des déménageurs.
Cette
année, je me suis offert le service de professionnels parce que je n’étais plus
capable de composer avec toute la préparation et le stress qui vient avec le
magasinage du camion, l’appel à la charité pour quelques paires de bras, la
logistique du déménagement où le trois quart de tes amis n’arrive
mystérieusement pas à se rendre. N'oublions pas la traditionnelle célébration
post-emménagement où on est toujours profondément vanné mais pressé d’en finir
avec la suite ainsi que, bien sur, la possible destruction d’un ou deux
objets de valeur et/ou meuble et/ou électroménager.
Mais
je sais que ce point de vue-là vient avec l’approche de la trentaine, parce que
voilà 10 ans, l'idée de déménager m’excitait tellement que je n’en
dormais pas pendant des semaines. J’imaginais où je mettrais mes meubles et
quelle déco ferait bien dans quelle pièce, et j’achetais à l’avance les gogosses
qui me serviraient à faire mon nid. Quand le jour J arrivait, il pouvait
pleuvoir, grêler ou débouler des frigidaires dans l’escalier, rien ne pouvait
m’enlever ma bonne humeur et m’empêcher de motiver les troupes.
Aujourd’hui
les choses ont changé, bien sur. J’ai vieilli. À l’approche d’un déménagement,
je ne dors toujours pas pendant des semaines, mais ça a plus rapport à
l’angoisse qu’à l’excitation, disons. Je me soucie pas mal plus du trou que le
déménagement va faire dans mon portefeuille que des trous que je vais avoir à patcher dans les murs de mon nouveau
chez-moi. Et quand arrive le jour J, fini les jolis papillons et la bonne
humeur: je passe la journée à me trainer les pattes en me maudissant d’avoir
choisi un logement au deuxième étage entre deux pauses-cigarette où je reprends
mon souffle pendant quelques minutes (je sais c’est absurde, mais bon).
Cette
année, je ne me sentais tellement pas concernée par mon propre déménagement que
je ne me souvenais même plus de quoi mon futur appartement avait l’air. Pendant
des semaines, on m’a demandé si c’était ensoleillé, si c’était rénové, si
j’avais beaucoup de rangement ou une cour arrière, et je n’en avais aucune
espèce d’idée. Je me suis rongé les sangs pendant deux mois et demi en ayant l’impression
que je venais de signer un bail pour le purgatoire – ce qui est peut-être la
raison pour laquelle je n’ai commencé à faire mes boites qu’à trois jours
d’avance et qu’il me reste encore des changements d’adresse à faire…
Même si je
paniquais de ne pas me rappeler dans quel genre d’appart je m’en allais et que
je mélangeais des souvenirs des 20 autres visites que j’avais faites, je me souvenais
quand même vaguement de la disposition des pièces, de l’emplacement des
électroménagers et des fenêtres ainsi que des belles armoires de cuisine fraichement rénovées qu'on aperçoit tout de suite en entrant. C’est
pour cette raison que j’ai eu la surprise de ma vie quand j’ai ramassé les clés
dans la boite aux lettres et que je suis entrée chez moi pour la première fois.
Très
sincèrement, au premier coup d’œil que j’ai jeté à la pièce, j’ai tout de suite
pensé qu’il y avait une erreur. Les armoires plywood-début-des-années-90 en
faux bois pâle me disaient clairement que l’appartement que j’avais visité
n’était pas celui qu’on m’avait loué et que j’étais victime d’une fraude
monumentale. Mais alors que je faisais le tour des pièces vide dans un état
second, les vrais souvenirs de ma visite me revenaient en mémoire et j’ai dû me
rendre à l’évidence: j’avais abandonné mon 4½ classe de la banlieue pour un 3½
crade de Hochelaga.
Bon
ok, j’exagère. C'est assez vaste et très vivable, et en plus, je suis maintenant au rez-de-chaussée et j'habite à deux pas de chez ma meilleure amie. Non vraiment, quand je vais avoir fini de teindre les armoires, de recouvrir le
bain, de réparer le plancher et les murs, d'enlever les clous, de remplir les trous et
de refaire l’atroce job de peinture de manchot déséquilibré des anciens locataires,
mon appart va être assez cool. Mais cette fois, j’espère quand même que je vais rester au même endroit pendant plus que deux
ans, sinon je risque de manquer de temps pour faire mon nid...