vendredi 12 juillet 2013

D'un nid à l'autre


Je sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai une fâcheuse tendance à changer d’appart à tous les deux ans en moyenne. Quand on considère que j’ai 28 ans et que j’ai déjà six déménagements à mon actif, on pourrait dire que je suis une sorte d’experte en la matière. J’ai partagé mon espace avec deux chums et presque deux colocs – c’est-à-dire que le chum de ma coloc était toujours là mais il ne payait pas les bills (sans offense, on s’aime toujours!) – mais j’ai aussi vécu seule pendant quelques années. Mes expériences de déménagement ont donc toutes été très différentes parce que j’ai été aidée par des parents, des chums, des beaux parents, des amis, des amis de chums et des chums d’amies et bien sur, des déménageurs.
            Cette année, je me suis offert le service de professionnels parce que je n’étais plus capable de composer avec toute la préparation et le stress qui vient avec le magasinage du camion, l’appel à la charité pour quelques paires de bras, la logistique du déménagement où le trois quart de tes amis n’arrive mystérieusement pas à se rendre. N'oublions pas la traditionnelle célébration post-emménagement où on est toujours profondément vanné mais pressé d’en finir avec la suite ainsi que, bien sur, la possible destruction d’un ou deux objets de valeur et/ou meuble et/ou électroménager.
            Mais je sais que ce point de vue-là vient avec l’approche de la trentaine, parce que voilà 10 ans, l'idée de déménager m’excitait tellement que je n’en dormais pas pendant des semaines. J’imaginais où je mettrais mes meubles et quelle déco ferait bien dans quelle pièce, et j’achetais à l’avance les gogosses qui me serviraient à faire mon nid. Quand le jour J arrivait, il pouvait pleuvoir, grêler ou débouler des frigidaires dans l’escalier, rien ne pouvait m’enlever ma bonne humeur et m’empêcher de motiver les troupes.
            Aujourd’hui les choses ont changé, bien sur. J’ai vieilli. À l’approche d’un déménagement, je ne dors toujours pas pendant des semaines, mais ça a plus rapport à l’angoisse qu’à l’excitation, disons. Je me soucie pas mal plus du trou que le déménagement va faire dans mon portefeuille que des trous que je vais avoir à patcher dans les murs de mon nouveau chez-moi. Et quand arrive le jour J, fini les jolis papillons et la bonne humeur: je passe la journée à me trainer les pattes en me maudissant d’avoir choisi un logement au deuxième étage entre deux pauses-cigarette où je reprends mon souffle pendant quelques minutes (je sais c’est absurde, mais bon).
            Cette année, je ne me sentais tellement pas concernée par mon propre déménagement que je ne me souvenais même plus de quoi mon futur appartement avait l’air. Pendant des semaines, on m’a demandé si c’était ensoleillé, si c’était rénové, si j’avais beaucoup de rangement ou une cour arrière, et je n’en avais aucune espèce d’idée. Je me suis rongé les sangs pendant deux mois et demi en ayant l’impression que je venais de signer un bail pour le purgatoire – ce qui est peut-être la raison pour laquelle je n’ai commencé à faire mes boites qu’à trois jours d’avance et qu’il me reste encore des changements d’adresse à faire…
Même si je paniquais de ne pas me rappeler dans quel genre d’appart je m’en allais et que je mélangeais des souvenirs des 20 autres visites que j’avais faites, je me souvenais quand même vaguement de la disposition des pièces, de l’emplacement des électroménagers et des fenêtres ainsi que des belles armoires de cuisine fraichement rénovées qu'on aperçoit tout de suite en entrant. C’est pour cette raison que j’ai eu la surprise de ma vie quand j’ai ramassé les clés dans la boite aux lettres et que je suis entrée chez moi pour la première fois.
Très sincèrement, au premier coup d’œil que j’ai jeté à la pièce, j’ai tout de suite pensé qu’il y avait une erreur. Les armoires plywood-début-des-années-90 en faux bois pâle me disaient clairement que l’appartement que j’avais visité n’était pas celui qu’on m’avait loué et que j’étais victime d’une fraude monumentale. Mais alors que je faisais le tour des pièces vide dans un état second, les vrais souvenirs de ma visite me revenaient en mémoire et j’ai dû me rendre à l’évidence: j’avais abandonné mon 4½ classe de la banlieue pour un 3½ crade de Hochelaga.
            Bon ok, j’exagère. C'est assez vaste et très vivable, et en plus, je suis maintenant au rez-de-chaussée et j'habite à deux pas de chez ma meilleure amie. Non vraiment, quand je vais avoir fini de teindre les armoires, de recouvrir le bain, de réparer le plancher et les murs, d'enlever les clous, de remplir les trous et de refaire l’atroce job de peinture de manchot déséquilibré des anciens locataires, mon appart va être assez cool. Mais cette fois, j’espère quand même que je vais rester au même endroit pendant plus que deux ans, sinon je risque de manquer de temps pour faire mon nid... 

vendredi 12 février 2010

Quoi ne pas mettre dans sa bouche lors d'un premier rendez-vous

Ils viennent de se rencontrer, ça clique, ils ont envie de se revoir. Il ou elle appelle (après un certain temps réglementaire) et il ou elle l'invite à partager un repas (tout aussi réglementaire). Il ou elle propose une date, une heure, un lieu. Mais attention. Que vous soyez ce il ou cette elle, réfléchissez bien : vous voulez faire bonne impression, donc ne risquez pas de vous mettre dans l'embarras en choisissant mal votre restaurant.
Bon, rassurez-vous, je ne cherche pas à vous convaincre que le prix que vous y mettrez déterminera votre score amoureux (quoi que ce ne soit pas entièrement faux). Je parle plutôt de ce que vous mangerez. Parce qu'on ne peut pas tout ingérer dans toutes les situations.
Juste à la maison... combien de fois avez-vous taché un vêtement avec du café, de la sauce ou autre? Combien de fois avez-vous involontairement laissé une gâterie à Fido par simple gaucherie de la fourchette? Vous ne voudriez pas ramasser vos aliments sur vos genoux devant votre nouvelle conquête, ou causer un malaise à tamponner galamment une tache sur un bustier rempli, non? C'est pourquoi il y a certains mets à éviter.

On pense déjà aux tacos et aux épis de maïs. C'est un classique, qu'on proscrit à la fois pour la banalité du choix et la difficulté de manipulation. Sans parler de l'odeur. Mais il y a d'autres choses qu'on commande en pensant faire bon effet, mais dont on ne réalise pas tout le potentiel d'embarras.
Par exemple, la salade. Les filles, je sais que vous êtes peut-être coquettes et que vous voulez paraître délicates, mais on remarque beaucoup plus votre difficulté masticatoire que votre effort diététique. Et essayer de détacher de la fourchette une feuille trop grosse (subtilement, contre l'assiette, puis avec le doigt), ou de l'enfourner carrément, ça peut faire baisser le quotient de raffinement.
D'ailleurs, je me demande pourquoi on pense souvent aux sushis pour ce genre de rencontres. D'accord, les restos japonais ont toujours un certain chic, et c'est très très tendance. Mais les morceaux qui s'échappent des futomakis qui se désagrègent, parce qu'on est incapable de le prendre en entier sans s'étouffer (ou de postillonner des grains de riz en discutant culture asiatique), c'est moins classe.
Le resto italien reste un classique : mais si vous êtes un fervent amateur de pâtes, abstenez vous. Car à moins d'avoir l'âme et la dextérité d'un cordon bleu italien, vous n'êtes pas à l'abri des slurps et des splouchs. Et la bavette, ça n'ira pas bien avec votre belle chemise toute choisie pour l'occasion.
Et pour ceux qui auraient des appétits plus exotiques, n'oubliez pas de vous renseigner : ce qui se mange avec des baguettes tombe, ce qui se mange avec les mains se décompose, et ce qui pique, brûle. On évitera de même les oeuvres d'art d'architecture culinaire, sur quoi on ne peut poser la fourchette sans créer d'effondrement cataclysmique susceptible de faire des victimes.

Ne vous croyez cependant pas plus malin si vous sautez les complications pour passer directement au digestif : les subtiles éructations de bière, sans compter la difficulté de pencher vers soi un bock de trois livres, sont à surveiller. Et n'oubliez pas, ce n'est pas parce que vos effluves alcoolisées ne se rendent pas à votre nez, qu'elles ne se rendent pas à ceux des autres.

Donc maintenant que les règles de base sont jetées, vous êtes fin prêts à vous rendre à votre prochain rendez-vous. Mais même si, malgré toutes vos précautions, vous usiez de maladresse avec un steak-frite, ne paniquez surtout pas! Souriez, ramassez le morceau d'un mouvement souple et faites une petite blague de votre cru. Il ou elle sera ravie de vous voir aussi gracieux et sûr de vous face à une telle tourmente, car vaut mieux être original dans l'étourderie que lassant de perfection.



Et quand même, si vous décidez de sortir votre date dans une taverne après un roteux à la Belle Province, je vous dis bravo, et félicitations, parce que finalement, il faut pas s'embêter avec toutes ces conneries.

mercredi 11 novembre 2009

Harder, better, faster, stronger

Avoirdemeilleuresnotesdansunmeilleurprogrammeavecplusde
perspectived'emploirencontrerplusdegensavoirdemeilleur
samismieuxmangerperdredupoidscesserdefumerêtre
plusgentilleplussageplusintelligenteplusadulteatten
drelevraiamourvoirmafamilleplussouventavoir
plusd'argentunmeilleuremploiavoirunplusb
elappartementdansunplusbeauquartier
unemaisonavecdesbébésetunchienau
ssimaissurtoutsurtoutexcellerdan
stouslesdomainesallerdel'ava
ntplusviteplusfortplusminc
eplusbelleplusensantépl
usreconnuemieuxna
ntieplussociablepl
usmotivéepluso
ccupéeplusai
méeplushe
ureuse...
plush
eure
us
e...


Plus.

On est pas malheureux parce qu'il nous manque quelque chose, mais parce qu'on ne sait pas apprécier ce qu'on a déjà. Je suis déjà parfaite comme je suis. Je mourrais aujourd'hui, en étant l'exacte personne que je suis en ce moment, et je pourrais me considérer satisfaite.

Je vis par mes propres moyens, j'ai un emploi stable plein d'avantages sociaux où je suis appréciée. J'ai un cercle d'amis dans la moyenne où je trouve des épaules sur lesquelles pleurer lorsque j'en ai besoin, et de bonnes personnes, intelligentes, avec qui partager. J'ai une famille qui m'aime. Je vis dans un appartement à moi, avec une amie qui m'est chère parmi un voisinage extraordinaire. J'ai de la facilité à nouer des liens, j'apprends vite. J'ai un Bac, peut-être une maîtrise bientôt. Je fréquente des hommes, j'attends l'amour, je vis ma vie.

Je sais que je pourrais faire mieux. J'ai le potentiel pour faire de grandes choses. Mais peut-être que ma vie ressemblera à ça jusqu'à la fin: et puis alors? Des milliers de personnes m'assassineraient sans cligner de l'oeil si ils pouvaient prendre la place que j'ai déjà.

On est des milliards comme ça. Dans le fond, on veut juste remplir notre office; on a pas grand chose à faire sur la terre, sauf notre mieux! Tout le monde essaie de s'améliorer, mais c'est si facile de passer à côté de l'essentiel. Apprendre à aimer qui on est avant d'essayer de devenir la personne qu'on voudrait être. Être heureux avec soi, avant d'être quelqu'un d'autre. Ben oui, ce culte du bonheur. Mieux, plus, encore, toujours heureux.

J'en ai assez de vouloir être plus mince, plus en santé, plus payée, plus éduquée. Ça va, comme ça.


Dis moi que ça va comme ça.

S'il te plaît.





Fitter, happier, more productive, comfortable, not drinking too much, regular exercise at the gym (3 days a week), getting on better with your associate employee contemporaries, at ease, eating well (no more microwave dinners and saturated fats), a patient better driver, a safer car (baby smiling in back seat), sleeping well (no bad dreams), no paranoia, careful to all animals (never washing spiders down the plughole), keep in contact with old friends (enjoy a drink now and then), will frequently check credit at (moral) bank (hole in the wall), favors for favors, fond but not in love, charity standing orders, on Sundays ring road supermarket (no killing moths or putting boiling water on the ants), car wash (also on Sundays), no longer afraid of the dark or midday shadows nothing so ridiculously teenage and desperate, nothing so childish - at a better pace, slower and more calculated, no chance of escape, now self-employed, concerned (but powerless), an empowered and informed member of society (pragmatism not idealism), will not cry in public, less chance of illness, tires that grip in the wet (shot of baby strapped in back seat), a good memory, still cries at a good film, still kisses with saliva, no longer empty and frantic like a cat tied to a stick, that's driven into frozen winter shit (the ability to laugh at weakness), calm, fitter, healthier and more productive, a pig, in a cage, on antibiotics.

[This is the Panic Office, section nine-seventeen may have been hit. Activate the following procedure.]

- Radiohead, "Fitter happier"




jeudi 15 octobre 2009

Un verre à moitié

Je me posais la question à savoir si certaines expressions n'ont pas un peu dépassé leurs limites? En effet, on peut voir un tas de tournures de phrases qui n'ont absolument plus de sens, ou qui ne se réfèrent plus à la même chose. Prendre son pied. Sentir le canard à la patte cassée. La chienne a Jacques (c'est qui, Jacques?!). Autant d'expressions qui, en somme, ne veulent absolument rien dire. On ne commencera pas à remettre en question le bien fondé de ces images. Tout le monde s'entend sur leur sens, et tant que ça reste comme ça, tout le monde est heureux. Mais quand même...

Il me semble que c'est relativement important de remettre les choses en question, ne serait-ce que par curiosité, pour comprendre à peu près pourquoi les choses sont comme elles sont. C'est là un sain exercice que de ne rien avaler tout cru, comme ça, sans faire mijoter l'information quelques minutes. Non seulement le cru est dangereux pour la digestion, mais en plus, on risque l'abrutissement général. C'est donc lors d'une de ces cogitations à la mijoteuse que je me rendis compte que ce n'est pas parce que quelqu'un voit le verre à moitié plein qu'il est une personne positive.

À la base, l'idée du verre vide ou plein n'est-elle pas simplement un exemple? Bon. Prenons une personne en crise existentielle, une pauvre âme qui broie du noir. Vous êtes son ami et vous cherchez à lui donner un coup de main, vous tentez de l'aider à modifier sa perception des choses. "Prends ça du bon côté", vous dites, "Think positive!". Rentre d'une oreille et sort de l'autre : même en anglais ça ne passe pas. Vous vous lancez donc dans la comparaison imagée, qui semble avoir plus d'impact chez les imaginations fertiles :

«Mettons, là, que tu as un verre devant toi et qu'il est à moitié rempli. Tu as le choix de voir ce verre à moitié vide, ou à moitié plein. Tu as raison dans les deux cas mais, si tu choisis de le voir plein, c'est beaucoup plus plaisant que de le voir vide! C'est la même chose dans vie.»

Et voilà. Vous êtes passé maître dans l'art de l'imagerie, et vous avez le sentiment du devoir accompli. Je sais que vous vous sentez tout chose d'avoir tendu généreusement votre main secourable, mais malgré toutes vos belles intentions, je dois vous avertir que votre protégé ne sera probablement pas plus positif si il s'exclame maintenant spontanément : CE VERRE EST PLEIN! Non. En fait, peut-être que votre intervention aura miraculeusement transformé votre copain en rayon de soleil. Mais dans le cas où vous lui auriez simplement posé la question à savoir si son verre était à moitié plein ou à moitié vide, vous auriez eu tout faux.

Je pense que la réponse à cette question est surtout circonstancielle, et que cet état de fait invalide toute conclusion portée sur le fameux test du verre. Il m'apparaît impossible de pouvoir définir le positivisme de quelqu'un sur une réponse aussi simple. Selon moi, le moment où la question est posée, le type de liquide versé, l'état de soif de l'interrogé déterminent le résultat donné de façon évidente. Preuve?

Si on me pose la question quand je viens d'en boire la moitié, il est à moitié vide.
Si on me la pose quand je viens d'en verser la moitié, il est donc à moitié plein.

Si je suis en proie à la soif, il est à moitié vide, parce que je pourrais en boire le double.
Si je suis repue, il est à moitié plein, parce que je pourrais ne pas le finir.

Si mon verre est à moitié rempli de sirop pour la toux, il est à moitié plein.
Si mon verre est à moitié rempli de champagne, il est à moitié vide.

(et pour ceux qui s'y connaissent un peu :)
Si mon verre de vin est à moitié, il est plein.
Si mon verre de cognac est à moitié, il déborde.

Je pourrais sûrement trouver des tonnes d'exemples du genre. D'accord, je m'écarte un peu du bon vieux verre d'eau, mais je pense que la digression en vaut la peine. Il me semble que la bonne vieille idée qu'une simple réponse à une seule question puisse définir une personnalité est simplement écartée. Parce que même si le principe constitue un bon exemple pour exposer une idée, il ne l'incarne pas! Donc quand quelqu'un me posera la question « le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide?», je répondrai : mets du vin à la place, ça sera juste plein. Et on en aura fini avec toutes ces histoires de positivisme.

mercredi 16 septembre 2009

Chevalerie moderne

Aujourd'hui je fais face à problème de conscience.

Je dois décider entre dire et ne pas dire. Ou plutôt me retirer ou m'assumer.

Car en effet, avec ma grande gueule, je n'ai pu m'empêcher de dénoncer à corps et à cri une attitude qui m'a paru choquante :

Plus tôt cette semaine, je suis arrivée en retard et ai surpris un de mes supérieurs dans la cuisine en train de parler à tous les employés réunis. Étant donné que j'avais manqué la quasi intégralité du discours, je n'avais pas saisi le fond, mais je pus constater que la forme était dure et directe. Une personne qui avait assisté à la scène me rapporta les faits : si jamais un des employés du plancher utilisait la toilette du premier étage hors des temps de pause (ils ont une toilette en bas), ils seraient renvoyés. Ébranlée, étonnée (soufflée, effarée [ajoutez des synonymes]), j'exposai en quelques mots ma compréhensible indignation... sur Facebook.

Bon.

Facebook fait partie de ma vie depuis un certain temps déjà, et de la même façon que je consulte mes courriels, je visite ma page quelques fois par semaine. Ce nouveau moyen de communication m'est devenu tellement bénin que j'ai fini par en oublier toutes les implications. En effet, parmi mes amis du WorldWideWeb, je compte beaucoup de collègues passés et présents qui sont bien placés pour faire véhiculer l'information, ce qui n'a pas manqué d'être fait.

Ce matin, le supérieur en question m'a convoquée pour un tête à tête. Comme toujours, cette personne fut directe et polie, et même d'une certaine façon, affectueuse. Elle m'a expliqué que le propos était destiné à une personne en particulier, qui faisait abus des susnommées toilettes. Je tentai d'opposer que peut-être elle aurait pu lui dire à lui en particulier, mais la tentative avait déjà été faite. Elle désirait surtout redresser la situation auprès de tous pour que de tels comportements ne se propagent pas.

Je comprends. Sincèrement. Je peux comprendre la responsabilité énorme d'un haut poste, et la difficulté d'appliquer certaines règles. Je comprends aussi l'importance de peser ses mots en public. Après cet entretien, j'ai réfléchi aux dommages collatéraux que j'avais peut-être causé à des supérieurs, des collègues, des amis. J'imagine que quelqu'un aura voulu savoir le fin fond de l'histoire et en parler directement à la personne concernée, faisant débouler une série de conséquences.
Je ne suis pas certaine de qui est ce fameux informateur secret, mais je ne lui en veux pas. J'aurais probablement agi exactement de la même façon. Je veux dire - si j'entendais parler d'abus et que je pouvais agir contre, je le ferais.

Mais n'est-ce pas exactement ce que j'ai fait au bout du compte? Peu importe les circonstances qui ont motivé un tel comportement, la perception des employés (surtout ceux qui n'étaient pas concernés) n'en est pas moins restée la même : c'était une sorte de menace. Je l'ai décrite comme telle, sur le coup, et ce fut assez pour alarmer un ami. Peut-être que grâce à cet ami, mon supérieur aura lui aussi compris qu'il faut surveiller ses dires en public. Peut-être que grâce à mon étourderie, j'aurai réussi à aider mes collègues.

Je ne publie pas ceci par vengeance, ou par justification. Il est arrivé ce qui est arrivé, et c'est très bien comme ça. Je ne changerai pas d'avis sur mon interprétation de la situation, parce que je crois avoir bien observé tous les côtés de la médaille, et que mon sens de la justice, ou de l'honneur (appelez ça comme vous voudrez), me dit que ce qui a été fait n'était pas bien. Mais un autre de mes sens (la prudence, la sagesse, ou je ne sais quoi) me dit qu'il faut bien choisir ses batailles. Donc je ne battrai pas. Mais mon côté chevaleresque me dit que je ne peux pas ne rien dire, alors je dis.

Je ne ferai pas de publicité à cette petite tirade. Je n'en parlerai pas, et je n'inviterai personne à me lire. Le but n'est pas ici de créer des remous, mais bien d'apaiser les miens. Mon honneur est sauf :

Je m'assume.

samedi 27 juin 2009

Le tour du monde en 40 minutes

25 juin 2009.

Le monde est soufflé : Michael. Jackson. Est. Mort.

À 19h13 minutes, dans mon salon à écouter de la musique avec ma coloc et son copain, le téléphone sonne. La coloc répond. "HEIN!? POUR VRAI!?!!". Elle nous regarde avec des yeux effarés pendant qu'au téléphone, l'interlocuteur lui déballe son sac d'informations juteuses. Je suis sommée de synthoniser les nouvelles à la télé. Et voilà. Denis Lévesque commente le fouillis des hélicoptères en pagaille survolant l'hôpital encerclé pendant qu'un bandeau défile au bas de l'écran : "Michael Jackson mort d'un arrêt cardiaque à 50 ans".

Sonnés, abasourdis, on ouvre en vitesse les clapets de nos cellulaires et on compose à qui mieux-mieux. À la vitesse de l'éclair, nous informons nos parents, nos proches et nos amis de cette perte tragique, comme si un proche était disparu. On veut tous être le premier l'apprendre aux autres, celui qui va goûter à la réaction unique et spontanée de nos copains. Une cacophonie de sonneries téléphoniques retentit dans les cieux - l'atmosphère est engorgée d'ondes.
Ne pouvant y croire, on appelle l'ordinateur en renfort à la recherche de détails complémentaires. Facebook est saturé. On porte aux nues le roi déchu de la pop.

Son décès est constaté à 17h26, heure du Québec. Le premier commentaire émis parmi mes amis se fait à 18h06. Le monde peut être parcouru en 40 minutes.

Vous rappelez-vous du 11 septembre? Le lieu, le moment exact où vous étiez, qui était à vos côtés? Le sentiment d'incrédulité qui vous a d'abord assailli, puis celui ou vous avez compris que quelque chose venait de se passer. Quelque chose d'international, de planétaire, quelque chose de BIG. Un simple événement qui marque à jamais. C'est un peu triste d'associer cet événement à la mort somme toute banale d'une pop star. Mais c'est un peu ça.
Une figure emblématique, un symbole, un personnage aussi vivant que sa musique est mort. Comme les rock star des années 70, il est mort dans une espèce de déchéance étrange, où la drogue et le sexe ont été remplacés par les poursuites judiciaires et les chirurgies plastiques.

What a world.

La mort d'une icône en temps réel. C'est maintenant possible. Et c'est arrivé le 25 juin 2009.

mardi 26 mai 2009

Des outils et des hommes

J'ai compris aujourd'hui ce qui pousse le mâle moyen à s'acharner sur un pot de pickles. Pourquoi ils aiment tellement se beurrer d'huile à moteur et manipuler les outils les plus divers. J'ai constaté dans toute l'étendue de son inébranlable vérité la teneur de l'orgueil masculin, moi, toute petite femme aux mains blanches.

Mon réfrigérateur a brisé cette semaine. Bon, pas le frigidaire, là, juste la porte. N'empêche, à six jours de le vendre au prochain locataire, j'avais un peu la pression. Donc, après m'être échappé la porte dessus une bonne douzaine de fois, je résolus de me rendre au Canadian Tire - lieu que je fréquente plus pour ses ensembles de vaisselle et accessoires de décoration que pour ses vis, écrous et boulons en tout genre.
Munie comme d'une arme du petit machin brisé qui sert de pivot à ma porte, j'attaque le premier commis venu en lui brandissant ledit accessoire sous le nez, implorant son aide. Le petit boutonneux de dix-sept ans, après avoir cherché aussi inefficacement que moi la patente à gosse au nom toujours inconnu, règle son problème en m'expédiant au Rona le plus proche. Pas si proche que ça d'ailleurs. Une demie-heure de marche plus tard, je suis au Rona - lieu que je fréquente plus pour son choix de plantes vertes et ses accessoires de décoration que pour ses vis, écrous et boulons en tout genre. Même expérience. L'autre boutonneux m'avoue son incompétence, et m'expédie chez Sears. Super. Une vingtaine de minutes plus tard, je suis chez Sears, lieu que je fréquente plus pour... bon, vous avez compris la suite. Sauf qu'ils n'ont pas d'écrous, de vis et de boulons en tout genre, eux. Et de me faire réexpédier au coin de Jarry et Pie-IX - espèce de lieu lugubre spécialisé en pièces minuscules et inintéressantes (vis, écrous et boulons compris), et qui est comme de fait fermé.

Too bad. Je retourne chez moi, après avoir couraillé pendant trois heures une maudite et stupide pièce de rechange de frigidaire. Mais je ne pouvais pas me laisser faire rire de moi par la porte de mon Kenmore, non! Assise devant l'électroménager ennemi (tentant l'intimidation par le regard), je commence à le triturer, ouvrant et fermant les portes, tentant de comprendre le mécanisme utilisé et les pièces nécessaires à son bon fonctionnement. Tentée par une grande aventure, mise au défi par une machine, j'entreprends donc de démonter le mastodonte pour essayer de le déchiffrer. Eurêka! Si j'intervertis la pièce A brisée du bas de la porte avec la pièce B, toujours fonctionnelle, de la porte du congélateur, en réinsérant la nouvelle pièce en sens inverse, ça devrait marcher.
Je m'arme donc d'une clé à molette et d'un tournevis, et je passe à l'attaque. La porte contre l'épaule, clé en main, je force comme un boeuf à tout tenir en place. Mais c'est que ça prend du doigté! Mais c'est que ça prend de la force! Beurrée de cambouis jusque dans la face, pourtant, j'arrive à mes fins. Les portes sont réinstallées et... ça marche! Mais pas tout à fait : la pièce A est plus grande que la pièce B, et frotte dangereusement contre la pièce C. Mmmm... dilemne. J'observe encore, ouvre-ferme-ouvre-ferme la porte, et voilà. Je dois simplement remplacer la pièce dysfontionnelle par un washer. Toute heureuse d'avoir réussi à placer dans cette conversation avec moi-même un terme aussi recherché, je pars donc à la recherche de ladite pièce, que j'insère avec délice à l'endroit nécessaire.
E-t-v-o-i-l-à. Je suis un pur génie. Je suis maître de la machine, force de la nature, puissance de la vie. J'exécute une petite danse de pure satisfaction dans ma cuisine, et je rouvre mon frigidaire une demi-douzaine de fois, juste pour jubiler de le voir comme neuf, par mes soins bienveillants et mon exquise débrouillardise bien entendu. J'imagine alors le gars qui monte une voiture, qui répare la plomberie, qui ouvre un pot de pickles. Et voilà, j'ai tout compris.
Jusqu'à ce que je le cède au prochain locataire, à chaque fois que j'ouvrirai mon réfrigérateur, je ressentirai en même temps que la bouffée de froid cette chaleur née de la fierté, de l'orgueil d'avoir su, seule et sans instructions, réparer ma porte de frigidaire.